Les cours des grains se stabilisent dans un environnement nerveux
Les bilans mondiaux en céréales et oléagineux apparaissent comme confortables mais le chahut résonne toujours dans le monde, ce qui n’est pas sans questionner les opérateurs des marchés.
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Les prix des céréales sont revenus sur leur plus bas avant de rebondir timidement pour se stabiliser. La scène internationale est toujours marquée par les annonces venues à la fois des États-Unis mais aussi de la Russie, de l’Ukraine ou encore de l’Argentine.
Une compétitivité du blé frustrante
Le blé français parvenait à regagner en compétitivité, face à l’offre russe notamment, mais les tensions diplomatiques entre Paris et Alger n’ont pas permis d’en profiter. Pour cause, l’appel d’offres algérien, qui se serait soldé par des volumes supérieurs à 600 000 tonnes, ne profite pas aux opérateurs français, toujours exclus des intérêts du pays. D’autres acheteurs internationaux montraient également leur volonté de profiter de la baisse des prix mais une nouvelle fois, ce sont bien les origines mer Noire qui, par sympathie ou pour des raisons de proximité, ont été plébiscitées. D’ailleurs, le récent achat de 2 millions de tonnes de blé russe par l’Iran offrait un regain de fermeté aux prix locaux. Peu enclins à vendre en raison des taxes, les producteurs russes sont encouragés à le faire par la récente hausse des prix, gage de volumes disponibles pour les exportateurs.
Chez les autres exportateurs, ce sont les États-Unis qui dénotent par leur bonne dynamique. Avec des ventes hebdomadaires à 540 000 tonnes, le cumul depuis le début de la campagne s’approche des records. Plus au sud en Argentine, le blé affiche également une bonne compétitivité et pourrait venir concurrencer les offres européennes sur la seconde partie de campagne. Il reste toujours de l’incertitude en cette fin de cycle mais l’hémisphère Sud, mené par l’Australie, devrait enregistrer une récolte abondante.
La campagne de 2025-2026 pourrait entrer dans l’histoire avec une production mondiale record, à plus de 815 millions de tonnes. Chez les principaux exportateurs, c’est la barre symbolique des 400 millions de tonnes qui est franchie, de quoi mettre en avant la lourdeur du bilan à l’heure actuelle.
En maïs, toujours des incertitudes sur les États-Unis
Sans trahir de secret, la production américaine de maïs devrait aisément dépasser la barre symbolique des 400 €/t, soit un niveau record. Pour autant, l’extrême optimisme affiché par l’USDA et ses 427 millions de tonnes de production anime les discussions. La fin de cycle, loin d’être idéale dans certaines zones, laisse perplexes les opérateurs. Par anticipation des ajustements à venir sur le bilan américain, les opérateurs financiers adaptent leur portefeuille et offrent aux cours de Chicago un brin de fermeté, à 4,30 $/boisseau. À noter que les travaux des champs ont débuté pour atteindre 11 %, soit en ligne avec la moyenne des dernières années mais les pluies dans le sud de la Corn belt ont progressivement mis à l’arrêt les farmers locaux. Dans le même temps sur la scène internationale, la demande reste particulièrement soutenue, notamment à destination du Mexique. Plusieurs ventes exceptionnelles ont été rapportées ces derniers jours, permettant aux exportateurs de conserver leur avance dans la dynamique, avec de nouveau 1,9 million de tonnes ayant trouvé preneur ces derniers jours.
En Europe, les moissons progressent également avec d’importantes disparités selon les zones. Dans son dernier bulletin, l’observatoire européen Mars abaisse une nouvelle fois son estimation de rendements en Europe, à 6,88 t/ha, bien en dessous de la moyenne des dernières années, établie à 7,10 t/ha. Cette différence marquée entre les potentiels américain et européen s’est d’ores et déjà appliquée dans les cours avec un écart important entre Euronext et Chicago. Désormais, il conviendra de scruter les premiers échos en provenance de l’Ukraine. Fournisseur privilégié de l’Europe, le pays a également connu quelques déboires climatiques mais selon l’USDA, la barre des 32 millions de tonnes devrait tout de même être atteinte.
Du côté chinois, la dynamique à l’importation reste trop timide pour espérer atteindre les 10 millions de tonnes prévues par l’USDA sur la campagne de 2025-2026. Une reconduction sur les niveaux de 2024-2025, à 3 millions de tonnes est plus probable au regard de l’environnement économique actuel.
Le colza navigue entre deux eaux
Les cours du colza ont eu fort à faire alors que de nombreux éléments ont agité le complexe oléagineux ces derniers jours, soja américain en tête. Le gouvernement argentin a annoncé suspendre les taxes à l’exportation de soja, avant de les réinstaurer. Dans le sillage de la fève américaine, le colza européen revenait donc chercher la zone des 465 €/t avant de finalement rebondir pour se stabiliser proche des 475 €/t.
Parmi les éléments de soutien, le colza peut toujours compter sur le maintien de la taxe à l’exportation de 10 % de la graine ukrainienne. Le premier fournisseur de la zone unique en graines est donc sujet à un ralentissement de ses exportations, de quoi tendre légèrement le bilan à court terme. Cela explique d’ailleurs la remontée fulgurante de l’écart de prix entre l’échéance rapprochée et l’échéance de février d’Euronext. Les importations européennes sont ralenties alors que dans le même temps, le biodiesel parvient à regagner de la fermeté, offrant aux triturateurs une amélioration des marges. Cet encouragement à écraser de la graine à court terme maintient à flot les cours mais à moyen terme, la donne pourrait être différente.
Pour cause, le bilan sur la scène internationale s’annonce globalement confortable et ce, alors que le Canada puis l’Australie bénéficient de bonnes récoltes. Chez le premier, les travaux des champs sont en cours quand chez le second, les indices de végétation présagent de bons rendements.
Dans le même temps à moyen terme, un œil devra être porté sur la dynamique de l’huile de palme à Kuala Lumpur alors que les stocks chez les principaux producteurs mais aussi importateurs apparaissent sur des niveaux supérieurs à la moyenne des dernières années.
L’Argentine souffle le chaud et le froid sur le soja
Le complexe soja a été le principal acteur de ces derniers jours. Pour cause, les cours américains ont connu une importante volatilité suite notamment aux annonces en provenance de l’Argentine. Face à une inconnue fragilité, le gouvernement Milei était soucieux de faire entrer des devises et a donc suspendu un temps les taxes à l’exportation afin d’accélérer les ventes des producteurs et des opérateurs locaux. Initialement suspendues jusqu’au 31 octobre 2025, les taxes ont finalement été remises deux jours après avoir été levées puisque l’objectif de collecter 7 milliards de dollars avec la vente de produits agricoles et alimentaires a été atteint. Parmi les principaux pourvoyeurs de produits argentins, les Chinois ont dynamisé les importations de soja.
Les cartes des flux ont donc été temporairement rebattues, ce qui a suscité des ajustements de positions aux États-Unis. Les opérateurs américains ont vu la concurrence se renforcer puis se sont rassurés en espérant retrouver le chemin de l’empire du Milieu. Pour cela, Xi Jinping et Donald Trump devront sonner la fin de la guerre commerciale qui limite les échanges entre les deux pays.
Dans ce contexte international chahuté, les tourteaux de soja à Montoir ont cédé du terrain pour revenir dans la zone des 317 €/t, en baisse d’environ 10 €/t sur la semaine.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire. (2) À suivre : négociations commerciales et tarifaires entre les États-Unis et la Chine ; évolution de la parité euro/dollar et aussi du rouble/dollar ; activité de chargement et de ventes à l’exportation au départ de la France en blés et en orges ; début des récoltes de maïs en Europe et aux États-Unis.
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